(Backstage #12) Le serpent, l’alligator, et moi au milieu

Wet Tour Floride Everglades

Backstage : ces photos de road trip qui ne racontent pas toute l’histoire
On revient toujours de vacances avec de belles photos comme des trophées des aventures passées. Mais derrière certaines photos, il y a parfois des histoires pas toujours très glamour, parfois marrantes, parfois gênantes, ou complètement flippantes. Et ce sont finalement souvent les meilleurs souvenirs de voyage, ceux qui restent et qu’on adore raconter. Pendant tout le mois d’août, du lundi au vendredi, retrouvez une de ces histoires « backstage ».

Backstage, épisode 12
Le serpent, l’alligator, et moi au milieu

☞ La photo ci-dessus nous montre une file de marcheurs les pieds dans l’eau dans le calme des marécages des Everglades ; on ne voit pas les visages, mais tout le monde est inquiet.

Quand : décembre 2012
Lieu : Everglades, Floride
L’article de blog : Une randonnée à pied dans les marécages des Everglades

En sortant de la camionnette garée sur le bord d’une route toute droite, je m’asperge de produit anti-moustique par-dessus la crème solaire, créant une épaisse couche poisseuse sur ma peau déjà moite. Je boutonne ma chemise pour cacher mon cou et les épaules et j’aplatis les bords de mon chapeau. Me voilà prête pour la randonnée dans les marécages des Everglades. Pas sur un chemin en bois, pas non plus en aéroglisseur, mais dans les marécages, les pieds dans l’eau, enfin heureusement pour moi, les pieds coincés dans ma vieille paire de Converse, qui vit ces derniers instants.

C’est Manu qui a organisé cette sortie, ce « Wet Tour » sans bottes ni combinaison spéciale. En dépit de ma pléthore d’arguments contre, en haut desquels figure « on va mourir », il n’a pas fléchi. Et maintenant, il est trop tard pour reculer. Je suis en panique intérieure mais on dirait que Manu est ravi, il a déjà fait ami-ami avec le guide, Chris : ils causent écosystèmes et écoulement des rivières depuis notre trajet en fourgonnette qui nous a mené jusqu’ici, au cœur des Everglades.

Le guide est un grand gaillard à la peau burinée par la soleil, la barbe négligemment mal rasée, il marche pieds nus et porte des habits d’explorateur – couleur camel et avec de très nombreuses poches. Il nous explique qu’on va marcher les pieds dans l’eau pendant une bonne heure, au milieu d’une forêt de cyprès de marécages, le célèbre Taxodium distichum. Il donne à chacun de nous – on est 7 – un grand bâton. « Le bâton sert à repousser les alligators et les serpents ». Apparemment, c’est une blague car le bâton sert à ne pas perdre l’équilibre si on marche dans un trou et à éloigner les potentielles tortues croqueuses (les snapping turtles) tapies dans le marais. Le guide nous demande de confirmer qu’on a bien signé la décharge de responsabilité, au cas où on terminerait le tour paralysé suite à la morsure d’un animal (au choix, serpent, araignée, etc.).

L’une des filles du groupe se met à pleurer : elle ne parle pas bien anglais, et ses copains viennent de tout lui traduire. Elle vient de réaliser qu’on allait patauger dans ces eaux marécageuses, pour le fun. Elle ne veut plus y aller, je la comprends et la remercie aussi : grâce à elle, je ne passerais pas pour la chochotte du jour… mais j’ai peur que cette mauvaise pensée se retourne contre moi, et que l’esprit de la forêt des Everglades m’entraîne au fond du marécage… J’arrête de divaguer, et je m’insère dans la file indienne qui descend dans le marais et s’enfonce dans la forêt.

L’eau est tiède, elle s’infiltre rapidement dans mes chaussettes et mes baskets. J’en ai jusqu’aux genoux. Je me guide avec mon bâton, en prenant garde de ne pas m’appuyer sur les arbres où peuvent se cacher les serpents qui vivent dans les plantes accrochées aux troncs. L’ambiance est très calme et superbe, à part le bruit de l’eau. Il y a plein d’arbres en rangs serrés, fins et hauts, aux troncs blancs, des plantes poussent un peu partout. On se croirait dans un labyrinthe naturel : c’est beau, mais il ne faut pas traîner pour ne pas perdre le guide. Personne ne veut marcher le dernier, c’est Manu qui s’y colle, et, en plus, il prend des photos, ce qui le retarde. J’ai peur qu’il ne puisse plus suivre le groupe, mais franchement je suis en mode survie : c’est la jungle ! Bye Manu !

Des herbes hautes et des algues – enfin je suppose – me chatouillent les jambes. La fille derrière moi se prend les pieds dans une branche et tombe dans un trou : la voilà trempée jusqu’à la taille.

Petit à petit, je commence à me sentir plutôt à l’aise, même si je me demande bien ce que je fais là… Il faut reconnaître que c’est magnifique et sauvage, et puis, ça a un certain côté régressif de patauger dans l’eau avec ses chaussures en suivant un simili Indiana Jones. On s’approche alors d’une clairière, un alligator se prélasse à quelques mètres en face de nous. On croise ensuite un serpent gentiment enroulé dans son nid. Le guide nous demande de rester bien silencieux… J’ai comme une furieuse envie de déguerpir. En même temps, ce n’est pas tous les jours que je suis en présence de ces animaux réputés dangereux (ok, dangereux tout court) dans leur milieu naturel.

On est resté une heure dans l’eau de cette forêt spéciale. Pour le restant de la journée, je garderai mes baskets aux pieds, en faisant squouish-squouish à chaque pas, mais avec le sentiment d’avoir fait une randonnée au péril de ma vie.

Wet tour le serpent

Au centre, le serpent
Wet tour alligator

… et l’alligator, à quelques mètres devant nous
▶ Rendez-vous demain pour l’épisode 13 de la série Backstage où je vous raconterai ce qu’on fait pendant les très, très longues heures passées en voiture quand on fait un road trip aux Etats-Unis.
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Mathilde

Mathilde

Rédactrice, grande organisatrice et réseau socialite du Blog de Mathilde. Je vis à Boston depuis 2012, j'ai fondé (puis vendu) une entreprise de visites guidées en français de la ville, Boston le nez en l'air. Je suis aussi autrice de nombreux guides de voyages, de livres de yoga et de jeux chez des éditeurs français. Suivez-moi sur Instagram !

16 réflexions au sujet de “(Backstage #12) Le serpent, l’alligator, et moi au milieu

  1. Très sympa cette série « Backstage » ! En fait le plus intéressant dans les voyages, ce sont ces petits imprévus et tout ce qui ne se voit pas sur les photos… Et j’adore ton style, j’ai bien ri (même si j’aurais été en panique totale à ta place… je n’aurais même pas passé l’étape de sacrifier ma paire de chaussures ! :D).
    Et votre prochain road trip, c’est où ??

    • et en fait 98% du voyage reste de l’imprévu to be honest…
      Prochain road trip, on sera sur des toutes petites routes du sud-ouest américain

  2. Oh mon dieu quelle courageuse! Déjà les parcs de l’ouest où on peut potentiellement croiser les serpents je les ai visité en plein hiver pour ne pas avoir à croiser les bêtes, alors là chapeau à toi!

  3. Trop cool comme expérience! Se retrouver comme ça, vulnérables face à la nature, ça doit vraiment faire drôle!

  4. j ai bien ris…. je me moque mais a Houston nus avons un beau state park plein d alligator. La premiere fois on a fait le tour .. des montagnes, j avais trop peur de voir un alligator. Maintenant j ai plus peur on y vas souvent et on en vois a haque fois, plus ou moins pres, plus ou moins gros. Meme si on cotois souvent ces grosses betes, Je suis pas sur que j oserai la ballade les pieds dans l eau. ( concernant les serpents, y en avais un enorme dans mon jardin la semaine derniere.. j ai pas fait la fiere, mais je suis degoute de pas avoir eu le temps de la prendre en photo!)
    Merci pour ces belles histoires.

    • En Caroline du Sud aussi je me souviens avoir croisé un alligator dans le parc d’une plantation, personne ne semblait plus inquiété que ça…
      Ca a l’air wild chez toi en tout cas !

  5. Ahah fait aussi! Et je n’en menais pas large… en revanche, on n’avait pas vu de serpent ni d’alligator :/

      • Nous l’avions fait avec l’auberge de jeunesse où nous dormions à Florida city : Everglades hostel. Ils avaient même une caisse de vieilles chaussures à utiliser pour cette balade.
        Nous avions aussi fait un tour en canoë avant, et là, plein d’alligators !

  6. Wahou je n’aurai pas fait ma fière lors de cette randonnée avec tous les animaux dangereux que vous avez croisé! Mais ce devait avoir un air d’aventure et de mystère également 🙂

    • Les animaux n’étaient pas « garantie », par contre, les arbres, le silence, les plantes, oui ! Et c’était déjà très beau comme ça.

  7. Quand je lis tes récits de camping ça me donne envie de m’y mettre, mais alors là je crois que je suis plutôt dans la team je pleure parce que finalement je ne veux plus y aller ! En tout cas merci pour cette série, ça me fait découvrir certains de tes articles que je n’avais pas encore lus !

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